Le méli-mélo des absences en formation
- Laurent Riquelme
- 28 mai
- 5 min de lecture
Les absences en formation ou les abandons en cours de formation font l’objet d’un méli-mélo selon le cocontractant et/ou selon le dispositif de formation.
Tout ce qui pourrait être simple est parfois compliqué, puisque les dispositifs et les réformes se sont empilés au fil du temps sans véritable cohérence.


L’article L. 6354-1 du code du travail dispose que : « En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait ».
C’est sur le fondement de cette disposition légale que les organismes de formation ne peuvent pas facturer des heures de formation lorsqu’un stagiaire est absent (de façon justifiée ou injustifiée).
Mais attention, cette règle n’est pas toujours applicable, ou pas pleinement applicable.


Il y a d’abord le cas classique de la convention de formation de droit commun, pour une action de formation professionnelle.
Les organismes de formation savent qu’ils ne peuvent pas facturer les absences, mais qu’ils peuvent trouver une autre solution pour compenser les pertes économiques en cas d’absence ou d’abandon du stagiaire en cours de formation : il s’agit de prévoir une clause indemnitaire dans la convention de formation, aux termes de laquelle le client s’engage à verser une indemnité financière venant réparer le préjudice économique subi du fait de l’absence du stagiaire, étant rappelé que cette somme ne peut évidemment pas constituer un produit comptable relevant de l’activité de formation au sens du bilan pédagogique et financier.
Il ne s’agit donc pas de facturer au client le prix de la formation, ou une partie du prix, mais une indemnité financière faisant l’objet d’un traitement comptable spécifique. Il faut donc évidemment bannir toutes les clauses qui prévoient qu’en cas d’absence ou d’abandon en cours de formation, le prix de la formation est dû dans son intégralité, au risque de violer éhontément l’article L. 6354-1 précité.


Dans le cas d’une formation collective « intra-entreprise », l’absence d’un stagiaire fait parfois toujours débat aujourd’hui, car certains services régionaux de contrôle considèrent qu’elle doit entraîner une facturation du prix de formation à due proportion des stagiaires effectivement présents. Pourtant, ce débat n’a plus lieu d’être depuis la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, dans la mesure où l’effectif de stagiaires dans une action de formation ne fait plus désormais partie des mentions obligatoires dans la convention de formation. S’il n’y a pas d’effectif contractuel, il ne peut plus y avoir de détermination du prix en fonction du nombre de stagiaires présents dans une formation collective « intra-entreprise ».
Dans le cas d’un stagiaire cocontractant, c’est-à-dire une personne physique qui entreprend une formation à titre individuel et à ses frais, le contrat de formation professionnelle pourra également prévoir une clause d’indemnisation financière à la charge du stagiaire en cas d’absence ou d’abandon en cours de formation (en dehors du cas de force majeure), mais il faudra alors veiller à appliquer les règles du droit consumériste qui imposent de prévoir un engagement réciproque de l’organisme de formation à l’égard du stagiaire en cas d’inexécution de la formation imputable à l’organisme de formation. A défaut de prévoir cet engagement réciproque, la clause est réputée non écrite.
Dans le cadre du CPF, l’article 6.3.2 des conditions particulières applicables aux organismes de formation sont pourtant parfois contraires à la loi (article L. 6354-1 précité), dans la mesure où le montant facturé par l’organisme de formation à la Caisse des Dépôts et Consignations est parfois décorrélé du nombre d’heures de formation effectivement réalisées :
« En cas d’assiduité du Stagiaire inférieure à 25% (vingt-cinq pour cent), une indemnité forfaitaire correspondant à 25% (vingt-cinq pour cent) du prix de la formation indiquée sur la Commande est versée à l’Organisme de formation ».
« En cas d’assiduité du Stagiaire comprise entre 25% (vingt-cinq pour cent) et 80% (quatre-vingts pour cent), le prix payé est calculé au prorata de l’assiduité du Stagiaire ».
« En cas d’assiduité du Stagiaire strictement supérieure à 80% (quatre-vingts pour cent), la formation effectuée par l’OF est considérée comme entièrement réalisée et 100% (cent pour cent) du prix de la formation indiquée sur la Commande est versé à l’Organisme de formation ».
Dans le cadre de la formation par apprentissage, les dispositions réglementaires du code du travail (article R. 6332-25.III du code du travail) sont également contraires au principe légal rappelé en préambule (article L. 6354-1 précité), dans la mesure où il est prévu que le versement du montant annuel correspondant à la prise en charge financière de l’opérateur de compétences ne dépend pas du nombre d’heures de formation réalisées, mais de la durée du contrat d’apprentissage, au prorata du nombre de mois correspondant à la durée du contrat d’apprentissage.
Là aussi, la facturation de la formation se trouve être totalement décorrélée du nombre d’heures de formation dispensées, n’en déplaise à certaines administrations régionales qui continuent à appliquer le principe de la corrélation parfaite découlant de l’article L. 6354-1 du code du travail. Pourtant, il est clairement établi que les accords de financement émis par les opérateurs de compétences et les factures émises par le CFA à l’égard desdits opérateurs de compétences ne font aucunement référence à un nombre d’heures de formation réalisées, mais à un nombre de mois correspondant à la durée du contrat d’apprentissage
C’est ainsi que les CFA sont amenés à facturer des opérateurs de compétences et des entreprises pour une formation qui n’est partiellement pas dispensée à l’égard de l’apprenti, en particulier dans l’hypothèse où ce dernier fait l’objet d’une absence de longue durée.
Aucune disposition réglementaire ne permet visiblement de régler le problème de l’absence de longue durée de l’apprenti, laquelle n’impacte pas le versement du montant annuel susvisé au CFA en l’absence de rupture anticipée du contrat d’apprentissage.
Cet écueil observe toutefois une limite importante à notre sens, lorsque l’absence de longue durée de l’apprenti est injustifiée, car celle-ci doit normalement être sanctionnée par le CFA par une exclusion en application du règlement intérieur applicable aux apprentis. Si le CFA ne sanctionne pas l’absence injustifiée de longue durée, il se retrouve alors à facturer une formation sans légitimité puisque cette facturation découle de son indigence du point de vue disciplinaire. Néanmoins, même dans cette hypothèse, les règles prévues en matière de rupture anticipée du contrat d’apprentissage (facturation de la formation au prorata du nombre de mois, avec la règle selon laquelle tout mois commencé en dû) ne sont pas forcément applicables su point de vue strictement juridique, puisque l’exclusion du CFA pour motif disciplinaire (absence injustifiée de longue durée) n’entraîne pas nécessairement la rupture anticipée du contrat d’apprentissage (si l’employeur maintient le contrat d’apprentissage en dépit de cette absence injustifiée de longue durée).
Nous voyons bien ici que les règles applicables pour les absences varient beaucoup selon le dispositif mis en place, avec un principe légal (article L. 6354-1) qui reçoit beaucoup d’entorses.

La gestion des absences dans un OF/CFA peut être un choc de complexification, contre lequel il semble être difficile de lutter…
Il faut cependant continuer à essayer d’y voir clair, et c’est la tentative de la présentation ci-dessus.
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