Pas de formateur en propre, pas de NDA ! 🤨
- Laurent Riquelme
- 10 juil.
- 5 min de lecture
Histoire vraie !
Il était une fois, au mois de juin 2025, un Organisme de formation (OF) qui s’est vu refuser sa demande d’enregistrement d’une déclaration d’activité aux motifs que :
la formation qui faisait l’objet de la déclaration d’activité avait vocation à être réalisée par un prestataire sous-traitant du point de vue juridique ;
l’organisme ne réalise donc pas « directement » la prestation,
or, l’article L. 6351-1 du code du travail prévoit que la déclaration d’activité n’est valable que si celui qui la dépose est celui qui « réalise » l’action de formation.


En d’autres termes : Si tu ne réalises pas toi-même la formation, avec tes propres moyens (formateurs salariés par exemple), pas de NDA !
Une telle position de la part de l’une des autorités administratives les plus importantes sur le territoire national remet clairement en cause le recours à la sous-traitance dans le secteur des OF et des CFA.
L’article L. 6351-1 du code du travail dispose effectivement que « Toute personne qui réalise des actions prévues à l'article L.6313-1 dépose auprès de l'autorité administrative une déclaration d'activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, conclus respectivement en application des articles L.6353-1 et L.6353-3 ».
La réalisation de l’action supposait jusque-là qu’elle puisse intervenir en recourant à un formateur sous-traitant.
Malheureusement, l’administration vient subitement de décider le contraire en considérant que l’OF qui ne réalise pas « directement » l’action de formation ne peut pas avoir de NDA.
En d’autres termes, pour pouvoir obtenir un NDA, l’organisme qui opère la déclaration d’activité doit montrer patte blanche, avec un formateur en propre, en bannissant le recours à un prestataire de formation indépendant.


Donc, la nouvelle maxime de la part de l’administration pourrait être : Pas de formateur en propre, pas de NDA !
Cette solution est lourde de conséquences, puisque cela signifierait que les organismes de formation qui n’ont pas de formateurs en propre (salariés par exemple) devraient se voir annuler leur NDA (Numéro de Déclaration d’Activité).
Si l’on suivait cette logique, il devrait y avoir un grand ménage dans la liste publique des organismes de formation, puisque la sous-traitance de formation s’est largement développée au cours de ces quinze (15) dernières années, au point que nombre d’organismes de formation et de CFA n’ont quasiment plus aucun formateur en propre (salariés notamment).
Dans le cadre du CPF, nous savons que la sous-traitance est limitée à 80 % du chiffre d’affaires depuis le 1er avril 2024, mais si l’on suivait la nouvelle logique de l’administration, ce serait désormais 0 % de chiffre d’affaires en sous-traitance, puisque le recours à la sous-traitance exclurait toute utilisation de son NDA par celui qui ne réalise pas « directement » l’action de formation.


Désormais, il faudrait donc inventer un nouveau statut pour les organismes de formation qui ne sont finalement pas censés être des organismes de formation s’ils ne réalisent pas « directement » l’action de formation. Peut-être devrions nous imaginer des « Agences » de formation mettant tout simplement en relation des formateurs avec des clients… ?
Serait-ce vraiment sérieux ?


Le rôle de « l’agence » de formation (sans NDA naturellement) n’aurait alors qu’un simple rôle d’intermédiation entre des formateurs (ayant un NDA) et des clients.
Cette logique relayée par l’administration tend à considérer que l’organisme qui recourt à un prestataire sous-traitant est un simple entremetteur, presque un banal « maquereau » de la formation !


Pourtant, en pratique, la sous-traitance est censée être bien plus qu’une simple intermédiation, puisque l’organisme de formation donneur d’ordres a vocation à réaliser tout un travail en amont d’une action de formation, consistant à identifier un besoin de formation, et/ou définir les contours d’une offre de formation correspondant au besoin, et/ou identifier les besoins pédagogiques en ciblant les publics susceptibles d’être intéressés, et/ou établir un programme de formation, et/ou définir les modalités de publicité et de marketing à mettre en œuvre pour faire connaître l’offre de formation, et/ou guider et sélectionner les candidats à la formation, et/ou mettre en place les modalités de formation (planification de la formation pour chaque candidat, détermination lieu de formation ou des outils de formation, définition des moyens à mettre en œuvre, sélection d’un formateur disposant des titres, diplômes et/ou qualités en adéquation avec la formation à dispenser), et/ou assurer les évaluations, suivre l’exécution des formations, etc…


C'est probablement la raison pour laquelle le législateur a choisi le terme « réaliser » une action de formation, et non « dispenser » une action de formation,
à l’article L. 6351-1 du code du travail (précité).
De même, le législateur n’a pas choisi d’employer l’adverbe « directement » à l’article L. 6351-1 du code du travail, laissant ainsi la possibilité de réaliser une action de formation en recourant à un prestataire de formation sous-traitant.
Si la volonté de l’administration devait consister à inciter les organismes de formation à se doter uniquement de formateurs en propre (salariés), elle ne pouvait visiblement pas s’y prendre plus mal.
Il est vrai que la sous-traitance a connu de nombreux abus au cours de ces dernières années, notamment dans le cadre du CPF.
Mais au lieu de tendre vers l’éradication de la sous-traitance, après l’avoir laissée complètement déborder, il serait plutôt opportun de mieux réguler la sous-traitance en matière de formation. Il faut rappeler que la régulation de la notion de sous-traitance avait été tout simplement abandonnée dans la loi la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, avant que celle-ci ne réintègre le code du travail avec la loi du 19 décembre 2022, mais en la circonscrivant au seul périmètre du CPF.
Une régulation de la sous-traitance dans le CPF à partir du 19/12/2022, mais pas en dehors du CPF… Il faut suivre !
L’administration devrait également, à notre sens, être capable de caractériser les situations de fausse sous-traitance, en les qualifiant comme telles et en les sanctionnant, ainsi que les situations de subordination juridique permanente incompatibles avec le respect des règles de droit social, plutôt que de jeter par principe l’opprobre sur la sous-traitance.

Et que dire des conséquences fiscales en matière d’exonération de TVA ?
Si l’administration considère que le recours à la sous-traitance exclut l’attribution d’un NDA, cela reviendrait donc à dire que toute action de formation réalisée par un organisme recourant à un prestataire sous-traitant ne pourrait pas être assortie de l’exonération de TVA, puisque l’organisme qui facture la formation ne pourrait pas se prévaloir de son NDA dans un tel cas de figure.
Cela entrainerait alors des redressements de TVA à très grande échelle, un véritable tsunami fiscal !
Pire encore, que dire des financements versés par les opérateurs de compétences, la Caisse des Dépôts et Consignations, les établissements publics, ou les collectivités territoriales ?
Il faudrait alors en conclure que le recours à la sous-traitance empêcherait de se prévaloir du NDA, et que, subséquemment, les organismes financeurs ne seraient plus légitimes à exécuter leurs engagements à l’égard de tels organismes osant recourir à des prestataires de formation sous-traitants.
Bien pire encore, est-ce que l’administration envisage de demander aux organismes de formation de rembourser les sommes perçues de la part des opérateurs de compétences, de la Caisse des Dépôts et Consignations, des établissements publics, et/ou des collectivités territoriales lorsqu’il est constaté que l’action de formation n’a pas été réalisée « directement » par ledit organisme ?
Tout cela n’est évidemment pas sérieux, mais pourtant bien réel à la lecture d’une décision administrative qui exclut l’attribution du NDA au seul motif que l’organisme déclarant ne réalise pas « directement » une action de formation en recourant à un prestataire de formation sous-traitant.
Il est grand temps de mettre de l’ordre, car même l’IA risque de s’y perdre…
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