Bonjour,
La référence à la notion de « stage en entreprise » n’existe pas dans les dispositions qui régissent la formation professionnelle.
Dès lors, les organismes de formation ne peuvent pas valablement délivrer des « conventions de stage » à des stagiaires de la formation professionnelle et à des entreprises d’accueil, comme s’il s’agissait d’un « enseignement scolaire » en application du Code de l’éducation.
En droit, la notion de « stage en entreprise » est réservée à la formation initiale, régie par le Code de l’Education, lequel vise la notion de « stage » et de « période de formation en milieu professionnel ».
Seuls les établissements d’enseignement public ou privé peuvent délivrer des « conventions de stage » aux étudiants en formation initiale, conformément aux dispositions du Code de l’éducation. Pourtant, dans la pratique, il apparaît que le terme de « stage » est polysémique.
Clarifions donc la situation en tenant compte des définitions juridiques :
Tout d’abord, il faut rappeler que le champ d’application des dispositions qui régissent la formation professionnelle vise uniquement les « adultes et les jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent » (article L.6111-1 du code du travail).
Par conséquent, il convient de distinguer clairement deux catégories de publics :
les jeunes qui ne sont pas encore engagés dans la vie active et qui n’ont pas encore quitté le système éducatif (qui relèvent donc du Code de l’éducation), et qui peuvent se voir délivrer des « conventions de stage » par l’établissement d’enseignement dans lequel ils sont inscrits ;
toutes les autres personnes qui sont engagées dans la vie active (ou qui s’y engagent) qui peuvent uniquement relever du Code du travail lorsqu’il réalisent une action de développement des compétences (c’est à dire une action de formation, un bilan de compétences, une VAE, ou une formation par la voie d’un contrat apprentissage), et qui ne peuvent pas se voir délivrer une « convention de stage » au sens du Code de l’éducation.
Naturellement, une action de formation professionnelle peut être assortie d’une période de formation en entreprise, mais il ne peut s’agir pas d’un « stage en entreprise » au sens du Code de l’éducation, et l’organisme de formation ne peut donc délivrer une « convention de stage » comme le font les établissements d’enseignement publics ou privés.
À l’occasion de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, le pouvoir réglementaire a prévu la « mise en œuvre d’une action de formation en situation de travail » (article D.6313-3-2 du Code du travail), dite « AFEST », mais celle-ci a été principalement conçue pour la formation en entreprise des stagiaires de la formation professionnelle qui sont d’ores et déjà salariés dans l’entreprise dans laquelle ils suivent cette « formation en situation de travail ».
Le Code du travail ne donne aucun cadre précis pour le stagiaire de la formation professionnelle qui réalise une période de formation en entreprise, sans être titulaire d’un contrat de travail au sein de celle-ci.
Pire ! Les articles L.6341-1 à L.6342-6 du Code du travail visent la notion de « stage », mais celle-ci ne désigne aucunement un « stage en entreprise », mais plutôt un « stage de formation professionnelle continue » (article L.6342-1 du Code du travail) durant lequel le stagiaire de la formation professionnelle réalise une action de formation professionnelle dispensée par un organisme de formation.
Dans un tel méli-mélo juridique, il est parfois difficile de s’y retrouver, et surtout d’encadrer la réalisation d’une période de formation en entreprise pour un stagiaire de la formation professionnelle non titulaire d’un contrat de travail dans ladite entreprise.
Seul l’article L.6343-1 du Code du travail (non retouché à l’occasion des dernières réformes) fait référence au « stagiaire non titulaire d’un contrat de travail » « pendant la durée de sa présence en entreprise au titre de l’une des actions de formation mentionnées à l’article L.6313-1 ».
Cela peut donc signifier que la loi autorise la présence en entreprise d’un stagiaire de la formation professionnelle non titulaire d’un contrat de travail, mais à la condition qu’il s’agisse d’une action de formation organisée selon l’article L.6313-1 du Code du travail.
Or, depuis la dernière réforme datant de 2018, nous savons qu’une action de formation peut être réalisée selon des modalités qui sont encadrées par les articles R.6313-1 et suivants du code du travail (notamment la formation à distance, et la formation en situation de travail).
En d’autres termes, nous devons probablement en déduire que, sur le plan juridique, les organismes de formation sont tenus d’organiser la période de formation en entreprise des stagiaires « non titulaires d’un contrat de travail » en tenant compte des modalités susvisées, à savoir celles qui sont prévues pour la formation en situation de travail. Cependant, de telles exigences sont beaucoup plus fortes que celles qui sont prévues pour le « stage en entreprise » que nous connaissons habituellement dans la formation initiale. En effet, pour la « formation en situation de travail » selon l’article D.6313-3-2 du Code du travail, il faut procéder à une « analyse de l’activité de travail pour, le cas échéant, l’adapter à des fins pédagogiques », désigner « un formateur pouvant exercer une fonction tutorale », mettre en place « des phases réflexives […] destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail […] » et mettre en œuvre « des évaluations spécifiques […] ». Il existe donc un cadre juridique sécurisé pour le stagiaire non titulaire d’un contrat de travail, à savoir la formation en situation de travail, mais ce cadre juridique n’a pas été spécialement pensé pour lui, puisque la dernière réforme de 2018 n’a pas traité son cas.
Du point de vue juridique, nous ne disposons à ce jour d’aucun autre fondement que celui de « l’action de formation en situation de travail » (dite « AFEST ») pour organiser la période de formation en entreprise d’un stagiaire de la formation professionnelle non titulaire d’un contrat de travail.
Ce point revêt pourtant une importance cruciale pour la formation des demandeurs d’emploi, et nous émettons des réserves importantes sur la légalité des « conventions de stage » préconisées par le POLE EMPLOI, lequel semble ignorer les paramètres juridiques précédemment exposés, en confondant les notions applicables en « formation initiale » et celles applicables en « formation professionnelle ».
Ce point revêt également la même importance dans le cas des personnes physiques qui entreprennent une action de formation professionnelle à titre individuel et à leur frais (ou avec leur compte personnel de formation – CPF), car certaines de ces actions de formation sont sanctionnés par des diplômes, des titres professionnels ou des titres à finalité professionnelle exigeant une « une période de formation en milieu professionnel ».
Nous appelons une nouvelle fois à la vigilance sur cet « angle mort » juridique, que le législateur n’a pas encore clarifié, et qui mériterait que des propositions soient formulées pour un encadrement légal et réglementaire plus adapté.
En attendant, il est conseillé aux organismes de formation d’encadrer au mieux les périodes de formation en entreprise des stagiaires non titulaires d’un contrat de travail, avec des conventions « ad hoc » se conformant, autant que possible, au seul cadre juridique sécurisé que nous connaissons à ce jour (à savoir la formation en situation de travail).
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